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23 novembre 2012 5 23 /11 /novembre /2012 00:00

LA POESIE : Les fonctions
Les fonctions véritables de la poésie n'ont jamais été clairement énoncées et n'ont jamais fait l'unanimité chez les poètes à toute époque. D'après Alfred de Musset, sa fonction principale est lyrique. Il écrit lui-même : « D'un sourire, d'un mot, d'un soupir, d'un regard Faire un travail exquis, plein de crainte et de charme, Faire d'une perle une larme ». D'après lui, toute l'ambition du poète réside dans cette pensée. Mais on peut très bien se demander sil sagit de la seule fonction de la poésie, donc le seul but recherché par le poète. Dans quelle mesure pourrait-on soutenir la fonction lyrique de la poésie ? N'y aurait-il pas d'autres fonctions, et donc d'autres raisons d'écrire un poème ? Où résiderait la véritable utilité de la poésie ?
ILa fonction lyrique 
Les romantiques définissent souvent la poésie comme le langage du cur. Le poète peut en effet choisir de composer un poème lyrique: il s'agit d'un poème écrit à la première personne (du singulier généralement) qui lui permet d'exprimer ses sentiments en toute liberté. Ce genre de poésie a plusieurs fonctions : d'abord, le poète peut faire partager ses émotions, ses sentiments, ses joies et ses peines, ses amours et ses malheurs On peut dire qu'il se confie au lecteur. Pour le poète, cela peut être un moyen de se « libérer de ses peines les plus profondes par exemple, ou même de faire partager ses joies les plus grandes, par exemple un nouvel amour ou une nouvelle passion. Le genre lyrique a été largement utilisé au XIXe siècle, par des auteurs comme Alfred de Musset, Alfonse de Lamartine, Charles Baudelaire, Victor Hugo, mais aussi au XXe par des poètes comme Amadou Lamine Sall.
EXEMPLE I : La poésie dAlfred de Musset
Lamour et la douleur sont lexpérience ordinaire de des vers dAlfred Musset : « La souffrance est ma sur ». Mais de cette douleur, il tire une uvre : « Faire une perle dune larme », telle est sa poétique. Il ne cesse de le redire : « Fille de la douleur, harmonie ! Harmonie ! ». En tout cela, Musset est assurément un enfant du siècle. Toute une génération romantique a pu se reconnaître dans son parcours individuel : la mélancolie qui lhabite est le mal du siècle.
Mais on a surtout retenu limage du poète de « Tristesse » (Poésies posthumes) : « Dieu parle, il faut quon lui réponde. / Le seul bien qui me reste au monde/ Est davoir quelquefois pleuré. »
EXEMPLE II : La poésie dAlphonse de Lamartine
Attiré par la politique, il demeure néanmoins fidèle à la poésie qui lui offre l'opportunité de traduire les sentiments qu'il se découvre, notamment l'amour que lui inspire Julie Charles. De cette douloureuse épreuve, Lamartine retient une source de création et d'inspiration qui se distingue clairement dans son premier recueil des Méditations qui paraît en 1820. Les troubles de l'époque et les tourments de sa vie personnelle alimentent une création intime, parcourue d'incertitudes et d'espoirs. Son expérience amoureuse notamment dicte sa composition à travers « Le Lac », « L'immortalité », puis « L'isolement », « Le soir », « Le souvenir », « Le vallon », « L'automne » et « L'Homme », qui rendent compte des états d'âme d'un jeune homme touché par le doute puis le désarroi lors de la perte de l'être aimé. Le sentiment religieux que lui a livré sa mère, renforcé par son éducation jésuite, prend un nouvel essor face à cette épreuve douloureuse.
EXEMPLE III : La poésie de Charles Baudelaire
La 1ère section du recueil Les Fleurs du mal (1857) (Spleen et Idéal) exprime la déchirure du poète entre une aspiration vers un " Idéal " et le " Spleen ", c'est-à-dire l'ennui (angoisse). Cette section montre la misère et la grandeur de l'homme, le combat éternel du poète sans issue : " Il y a dans tout homme, à tout heure, deux postulations, l'une vers Dieu, l'autre vers Satan " (Baudelaire). L'homme est condamné à vivre ces deux forces.
Quant à la 2nde section (« Tableaux Parisiens »), elle décrit Paris considéré comme une ville fourmillante et pleine de rêve, mais traduit aussi langoisse du poète due au spectacle des rues, des images qui reflètent son état intérieur. Cela implique la multiplication de son être propre, son malheur.
EXEMPLE IV : La poésie dAmadou Lamine Sall
Amadou Lamine Sall propose également aux lecteurs une poésie damour, un amour dorigine divine qui a la puissance de transformer le monde et que la pratique ordinaire de la poésie devrait pouvoir mettre en uvre dans des recueils comme Mante des aurores (1979) ou Comme un iceberg en flammes (1982).
La poésie est ainsi un lieu privilégié de l'expression des sentiments, des sentiments personnels du poète. Mais en parlant de lui, de sa condition, de ses états dâme, le poète évoque en même temps ceux du lecteur. Son « je » renvoie alors à lhumaine condition : « Hélas ! Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. Comment ne le sentez-vous pas ? Ah ! Insensé qui crois que le ne suis pas toi. » avertit Victor Hugo dans la préface des Contemplations. Le poète, la poésie nous révèle ainsi à nous-mêmes : « Hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère » écrit Charles Baudelaire
IILes autres fonctions de la poésie
Fonction engagée
 :
Le poète, de même que lécrivain, le chanteur, le peintre, peut, dans un contexte historique précis (guerres de religion, guerres mondiales, périodes de misère sociale,) décider de mettre son art au service dune cause. On parle alors de poésie engagée. La poésie engagée est toujours ancrée dans la réalité, dans lHistoire. Dans ce sens, la poésie doit éduquer, éveiller les consciences. 
∆) Le poète comme le guide et le porte-parole des opprimés : « Peuples ! écoutez le poète !/ Écoutez le rêveur sacré !/Dans votre nuit, sans lui complète, /Lui seul a le front éclairé ! », écrit Victor Hugo dans Les rayons et les ombres. Pour Hugo la mission de l'art est bien de « réveiller le peuple », c'est-à-dire de le sortir de la torpeur où le maintiennent le mensonge, la propagande, la peur, la lâcheté, la compromission, la facilité, l'art officiel. La poésie doit éduquer, éveiller les consciences.
La poésie se met au service des grandes causes. Le poète prend la plume lorsque les droits de lhomme sont bafoués dans différents domaines :
. religieux (intolérance, fanatisme) : Au XVIe siècle, la violence des conflits qui coupent la France en deux camps, catholique et protestant, à partir de 1559, conduit les écrivains et les poètes à prendre position à travers leurs uvres. Les titres mêmes sont révélateurs : Discours sur les misères de ce temps (1562), de Ronsard, Les Tragiques (1617), dAgrippa dAubigné. Linspiration, fondamentalement différente, puisquil sagit de dénoncer les horreurs de la guerre civile, dinciter au calme, de déplorer létat de la France ou dexciter lesprit de vengeance, trouve des formes et une expression orientées vers le combat. Utilisée comme arme, lécriture poétique prend une tonalité épique, caractérisée par la violence des images ou des hyperboles. La poésie intimiste et savante est remplacée par des poèmes amples, au lyrisme exacerbé par la violence, lamertume, la colère.
 Engagement social (injustice, inégalité, misère, racisme) : Victor Hugo dénonce le travail des enfants dans « Mélancholia » (Les contemplations, 1856) ; Rimbaud « Les Assis » ; Aimé Césaire écrit dans un « Liminaire » à Nouvelle somme de poésie du monde noir : « Victime du traumatisme colonial et à la recherche dun nouvel équilibre, le nègre nen a pas fini de se libérer. () et quand cela sort et que cela sexprime et que cela gicle, charriant indistinctement lindividuel et le collectif, le conscient et linconscient, le vécu et le pathétique, cela sappelle la poésie. » La burkinabé Bernadette Sanou, dans Parturition (1988) évoque une double douleur : celle des femmes mais aussi celle de toute une société dont le quotidien constitue une lutte permanente pour survivre ; elle nous amène à découvrir et à appréhender la douleur qui frappe tous les niveaux de la vie sociale, à des degrés divers : sur les traits de la femme en couches, ceux du paysan qui trime sur une terre ingrate et aride, ceux défigurés de la fillette subissant le rite atroce de l'excision
 Engagement politique(guerre, dictature, violence) : : Victor Hugo, dans Les Châtiments, lutte contre Napoléon III (se moque de lui : « petit, petit, petit », « le singe » et le montre comme un ogre sanguinaire) ; « Cest Hitler, Cest Goebbels » dans « Le Legs » de Robert Desnos : durant la seconde Guerre Mondiale, de nombreux poètes ont refusé lindifférence et le silence face au nazisme ; ils ont parfois pris le risque physique de résister jusquà y laisser leur vie (Robert Desnos).
Ainsi pour beaucoup, le poète ne peut, en tant que poète, rester aveugle et sourd au monde qui l'entoure et faire semblant d'ignorer la souffrance des hommes. Il est de son devoir de parler. Cette déclaration concernant le rôle du poète vous paraît-elle véritablement fondée ? 
Fonction langagière et évasive
Si la poésie peut être une arme d'argumentation, elle demeure un dépassement du langage ordinaire, une création artistique. Le poète réalise un véritable travail de/sur la langue. En effet, art de suggérer par des images, des sons, des rythmes et en général par l'emploi du vers, une connaissance des êtres et des choses qui ne saurait être ramenée aux idées claires qu'exprime la prose etc., la définition de la poésie varie suivant les écoles, mais deux éléments permanents peuvent être distingués : 
un langage différent de celui de la prose
Ce qui a amené certains écrivains à considérer que la poésie n'exprime pas des idées essentiellement différentes de celles de la prose, mais en modifie l'expression en les rendant, grâce au vers, plus frappantes, plus nobles, plus spirituelles. Le poète joue aussi sur la polysémie des mots en les chargeant de connotations, en leur dotant de pouvoirs plus immenses. 
- Exemple: la poésie de Stéphane Mallarmé, de Paul Valery.
Dans ses poèmes, Mallarmé groupe souvent les mots selon leurs affinités musicales, et tire des effets étonnants du « pouvoir de suggestion des sons ». Mallarmé insuffle ainsi au langage une vie nouvelle en essayant de « Donner un sens plus pur aux mots de la tribu » selon ses propres termes. Avec ce poète, l'écrivain s'interroge sur les moyens qu'il utilise. Non sur la fonction du poète ni sur son art poétique. Non sur le pourquoi ni sur le comment de l'acte poétique, mais sur le problème plus fondamental de l'expression de l'idée qui commande le langage de l'uvre, c'est-à-dire l'ensemble de ses signifiants - mots, images, figures phoniques et métriques. Le poète laisse donc l'initiative aux mots. Il ne leur impose aucune forme extérieure pour que la métaphore dégage la réalité d'une pure notion dans un discours "absolu", c'est-à-dire libéré de toute référence au réel.
Louis Aragon peut ainsi affirmer qu« ... il n'y a poésie qu'autant qu'il y a méditation sur le langage, et à chaque pas réinvention de ce langage. Ce qui implique de briser les cadres fixes du langage, les règles de la grammaire, les lois du discours. C'est bien ce qui a mené les poètes si loin dans le chemin de la liberté, et c'est cette liberté qui me fait m'avancer dans la voie de la rigueur, cette liberté véritable. » 
une vision du monde, traduisible seulement par le langage poétique et qui donne une connaissance intuitive essentiellement différente de celle de la prose 
Parfois déçu et fatigué par l'existence et se sentant également inadapté à un monde qui le dépasse, qui s'industrialise, le poète, tel un visionnaire, cherche des « ailleurs » apaisants et se réfugie alors dans « les mystérieuses correspondances de l'Univers » quil doit dès lors « déchiffrer » par le biais des mots. Ainsi la troisième section du recueil Les fleurs du mal (1857) de Charles Baudelaire, intitulée « Le vin », constitue le premier paradis artificiel, tentation de se perdre dans un ailleurs meilleur. Ce recours est utilisé par les désespérés et les idéalistes (artistes).
L'homme sans poésie vivrait-il un rêve qui n'est qu'un autre moyen de s'abstraire du réel, alors que le poète, lucide, serait mieux à même d'explorer les profondeurs de l'Être ? De penseur il deviendrait voyant. Il exprime alors sa conception d'un poète prophète, qui perçoit ce que d'autres sont incapables de percevoir. Rimbaud suggère quil faut « se faire voyant » lorsquil écrit: « Je dis quil faut être voyant, se faire voyant.  Le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens » (Lettre à Paul Demeny, 15 mai 1871). 

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  • M. Diallo
  • Diplômé de la FASTEF ex École Normale Supérieure.
Maitrise ès Lettres modernes. Licence ès Lettres modernes.
Certificat de spécialisation en grammaire classique et modernes.
  • Diplômé de la FASTEF ex École Normale Supérieure. Maitrise ès Lettres modernes. Licence ès Lettres modernes. Certificat de spécialisation en grammaire classique et modernes.

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