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7 novembre 2018 3 07 /11 /novembre /2018 11:32

FONCTIONS DU THEATRE

INTRODUCTION
Le but du théâtre na souvent pas seulement été de susciter un plaisir esthétique ou affectif, mais damener le spectateur à une prise de conscience qui doit déboucher sur une action de nature à modifier la société. Loin de se clore sur lui-même, le spectacle souvre le plus souvent sur un monde à transformer: sa finalité est didactique et révolutionnaire. Ce parti pris entraîne une série de conséquences esthétiques: au lieu de peindre des «caractères» ou de camper des héros, le théâtre doit montrer les défaillances et les contradictions des personnages en suggérant les voies dune transformation possible. Dans tous les cas, lacteur assume une responsabilité sociale, celle de mettre directement le public en contact avec le sacré, le plaisir et la réflexion qui constituent les nourritures privilégiées de lhomme.
Pour le négro-africain, le théâtre doit traduire la totalité des manifestations de la vie ; il est le miroir où la collectivité tout entière doit se voir, agir et penser car ici, plus quailleurs, le théâtre est un art communautaire ; sa fonction essentielle est de former en informant pour consolider la vie du groupe. 

FONCTIONS DIVERTISSANTE ET SOCIALE
Les fonctions divertissante et sociale sont souvent allées de pair car, tout en restant attaché aux principes du divertissement, du ludique, le théâtre sest également donné comme mission dêtre au service du social et de se servir du rire et de la tragédie pour contribuer à lamélioration du sort de la société et de lhumanité en général. Contrairement à la poésie ou au roman qui, souvent, ont eu la capacité de nous éloigner de la réalité et de nous plonger dans un univers qui peut être purement imaginaire ou sinspirant de létat dâme de lauteur, le théâtre, du fait même de son étymologie, ne pouvait avoir lopportunité de séloigner des canons du réel et des préoccupations de la société. Ainsi a-t-il souvent été vu comme le « miroir de la société », « la vie en miniature », mais dans le souci daider à prendre conscience des défauts et des faiblesses. Ainsi pour Yoka Lye Mudaba, dans un article intitulé « Quel théâtre pour le développement en Afrique », « La culture nest ni la vitrine du pouvoir, ni un étalage décoratif de grande ville; la culture est lépopée quotidienne du peuple, avec ses lueurs et ses leurres : chant et cri des sans parole, des sans le sou, des sans visage ». (I.C.A., N.E.A, Dakar 1988). Marouba Fall a notamment écrit: « Le théâtre permet à la société de se situer. Moyen déducation efficace, le théâtre bien compris renvoie à lhomme sa propre image. Il est miroir réfléchissant les préoccupations et les aspirations du public. En tant que tel, il suscite la prise de conscience de ce dernier sans qui, il va sans dire, le théâtre nest pas ». 
Au XVIIe siècle, il est paradoxal de constater que le théâtre, genre critiqué par les autorités religieuses, se donne une vocation didactique et morale. Dans le cas de la comédie, Molière répète, dans la préface de Tartuffe, ce que prônaient les auteurs anciens : la comédie « corrige les vices en faisant rire ». La fonction de la « force comique » est de faire prendre conscience des dangers de certains comportements en les ridiculisant, puis de sen décharger par personne interposée : à voir le ridicule des autres, tout spectateur devrait être tenté de ne plus agir de la même façon.
On reconnaît à la tragédie une fonction similaire, la catharsis : la représentation sur scène de la violence des passions, par le biais des comédiens et des personnages, devrait libérer les spectateurs de toute tentation de même nature. En montrant les dangers (mortels) des passions et des excès, la tragédie joue un rôle moral. 
Mais au-delà de cette double orientation du théâtre, il est intéressant de remarquer son utilisation dans un contexte politique et social sous une forme plus engagée. Molière utilise la scène comme lieu de contestation et de critique : Tartuffe témoigne de son combat contre les faux dévots, Dom Juan (1665), de sa volonté de dénoncer les libertins matérialistes. Son attention aux problèmes spécifiques de son temps (éducation des femmes, hiérarchie sociale) la souvent mis en porte à faux par rapport à la protection que lui accordait le pouvoir royal. Ces choix illustrent néanmoins une volonté de faire du théâtre un lieu de réflexion et de contre-pouvoir. La tragédie a parfois joué le même rôle à travers une réflexion sur le pouvoir et les tentations qui sy rattachent, avec Britannicus (1670) de Jean Racine. Le théâtre est donc éminemment social
Le drame bourgeois se développe au XVIII° siècle, à un moment où les spectateurs exigent un théâtre plus proche deux. Il met en scène les membres dune famille bourgeoise et prône le triomphe de la vertu. Il veut frapper le spectateur par la «vérité» des situations, le toucher, lémouvoir, le faire pleurer; le ton pathétique domine (exemple: Le père de famille de Diderot, 1758).
Au XIXe siècle, le drame romantique juge la nécessité pour lauteur dramatique de sadapter à un monde en mutation. Le public veut un théâtre vivant, dont les préoccupations reflètent celles de la société contemporaine
Le drame romantique veut susciter une réflexion philosophique et historique. Il replace lindividu dans son rapport complexe avec la société. On attribue enfin à ce théâtre un rôle didactique. Le drame romantique a, selon Hugo, une «mission nationale, une mission sociale, une mission humaine». Dans le drame, le héros illustre souvent une conception particulière de lengagement, une réflexion sur le pouvoir et la société. Dans cette mesure, les héros reflètent les comportements humains et renvoient à des préoccupations dordre historique et social. Lorenzaccio (1824) dAlfred de Musset par exemple a sans doute été perçue comme une réflexion acerbe et douloureuse sur linanité de toute action politique après la révolution ratée de Juillet 1830. Cette pièce pose la question de savoir si un mal peut justifier un bien dans l'action politique. Le désir de liberté peut-il justifier un crime et l'avilissement moral ? Cette pièce aborde aussi la crise des idéologies : peut-on simplement (nous pourrions dire naïvement) croire à des idéaux ? Quelle part de manipulation contiennent-ils ? Sont-ils finalement des mensonges ? Compte tenu de lemprise de la vie politique dans nos démocraties, des scandales qui les agitent, des risques encourus par la liberté, on peut comprendre que cette grille de lecture ait pu devenir prédominante à partir de la deuxième moitié du XXe siècle. Quant à Ruy Blas (1838) de Victor Hugo, elle pose le problème des rapports de lhomme prisonnier dans une société où se tissent les complots ; placé en déséquilibre dans la hiérarchie sociale, il est déchiré entre lidée quil se fait de lui-même et le rôle que la société lui réserve. On comprend dès lors son aspiration à la liberté.

Le théâtre existentialiste : engagé
Au XXe siècle, le théâtre existentialiste est représenté par Jean Paul Sartre, dont les principales pièces de théâtre, Les Mouches (1943), Huis clos (1944), Les Mains sales (1948), développent une philosophie et une morale de laction et posent le problème de lhomme face à ses responsabilités. Huis clos par exemple, la pièce la plus importante, montre  que lexistence est le lieu essentiel de nos choix et de notre liberté car nos actes engagent une responsabilité à laquelle on ne peut échapper. L'absurde dAlbert Camus, autre morale de laction et de lengagement, trouve des prolongements au théâtre. Caligula (1945) nous apprend par exemple que les hommes meurent et ne sont pas heureux. Les pièces de théâtre de Camus, Le Malentendu (1944) par exemple, tout comme ses romans et essais philosophiques, sont marqués par ce qui caractérise le mieux son époque : la prise de conscience que le monde ne peut être pensé quen termes dabsurdité absolue, de non-sens fondamental. La volonté humaine - son désir éternel de comprendre et de faire la lumière - bute sur lirrationalité de ce qui lentoure et qui na dautre aboutissement que la mort. 
Les pièces de Jean Giraudoux, Amphytrion 38 (1929), Intermezzo (1933), La Guerre de Troie naura pas lieu (1935), Electre (1937), etc., sont une manière de sintéresser à son époque, à cette atmosphère lourde des années trente, hantée par la montée des tragédies contemporaines, du fascisme et des guerres. Par lactualisation des dieux et des héros antiques, Giraudoux propose une reformulation du sacré comme une réponse possible aux interrogations et aux angoisses de son temps.

Théâtre surréaliste et théâtre de labsurde entre engagement, divertissement et burlesque 
Cet état de fait reflète la problématique de ce début du XXème siècle, préoccupé par la découverte du monde irrationnel. Le mouvement surréaliste a par exemple débarrassé la dramaturgie de la notion, désormais périmée, d'unité, principe d'ordre incompatible avec l'exploration de l'inconscient. Des pièces comme S'il vous plaît et Vous m'oublierez ou encore Comme il fait beau sont des uvres du théâtre surréaliste où se joue toute la gamme du merveilleux. L'agression y était déjà de mise et préfigurait, d'une certaine façon, tout ce que les surréalistes devaient lancer ensuite: parodie, délire, agression à l'encontre du spectateur sommé de se voir enfin, comique macabre. Selon Antonin Artaud (propos cités par André Breton), « Le théâtre (...) doit rompre avec l'actualité. Son objet n'est pas de résoudre des conflits sociaux ou psychologiques, de servir de champ de bataille à des passions morales, mais d'exprimer objectivement des vérités secrètes, de faire venir au jour par des gestes actifs cette part de vérité enfouie ». Et Breton dajouter : « Rien ne saurait mieux définir, selon moi, ce que sont les véritables enjeux du théâtre et de l'art en général ». Cest donc reconnaitre la dimension gratuite, uniquement surréaliste de ce genre littéraire.
De leur côté, héritiers spirituels des dadaïstes et des surréalistes, influencés par les théories existentialistes dAlbert Camus et de Jean-Paul Sartre, les dramaturges de labsurde voyaient, selon le mot dEugène Ionesco, « Lhomme comme perdu dans le monde, toutes ses actions devenant insensées, absurdes, inutiles». Rendu célèbre par Eugène Ionesco dans La Cantatrice chauve (1951) ou Rhinocéros (1959), ou encore par Samuel Beckett dans En attendant Godot (1952), le théâtre de labsurde tend à éliminer tout déterminisme logique, à nier le pouvoir de communication du langage pour le restreindre à une fonction purement ludique, et à réduire les personnages à des archétypes, égarés dans un monde anonyme et incompréhensible. Cette situation est liée au contexte historique et social du XX° siècle. En effet, les pièces montrent l'homme plongé dans un monde qui ne peut ni répondre à ses questions, ni satisfaire ses désirs. 
 

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  • M. Diallo
  • Diplômé de la FASTEF ex École Normale Supérieure.
Maitrise ès Lettres modernes. Licence ès Lettres modernes.
Certificat de spécialisation en grammaire classique et modernes.
  • Diplômé de la FASTEF ex École Normale Supérieure. Maitrise ès Lettres modernes. Licence ès Lettres modernes. Certificat de spécialisation en grammaire classique et modernes.

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